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Entretien avec Damien Deroubaix au Creux de l'Enfer


POST MORTEM Damien Deroubaix expose au Creux de l'Enfer L’artiste est diplômé de l’école supérieure d’Art et de Design de Saint-Étienne et étudia à l’Académie d’art contemporain de karlsruhe en Allemagne. Dès ses premières œuvres, Damien Deroubaix détourne médias, images et motifs, s’appuyant sur une signalétique commune aux sociétés les plus avancées. D’emblée, l’artiste décortique une culture dominante compulsive, mercatique, sexy et mortifère — images de kalachnikov, squelette ou pinup girl. Non sans une sorte d’humour distancié ­— avec la série « Les ambassadeurs » de 2001 — il entreprend une série d’aquarelles sur papier mixée à des découpages/ collages qui déclineront désormais l’inventaire iconographique de son épopée en cours — certaines furent acquises par le Museum of Modern Art de New York. Ces vanités contemporaines s’inspirent à la fois des archétypes du marketing international et d’une fantasmagorie humaine intemporelle : figures d’animaux, chimères, guerriers, porte-avions, Mickey Mouse, tank, requin, corbeau, crâne ; autant d’images typées appelées à se télescoper. Représenté par deux galeries, à Paris et au Luxembourg, l’artiste s’installe en février 2004 à Berlin, bénéficiant enfin d’un atelier spacieux. Son traitement pictural l’invite aux grands formats, et il réalise gravures à l’eau-forte ou sur bois, toiles sur châssis et installations sculpturales/ picturales. Les thèmes classiques du memento mori, tête de mort et ossements, se mêlent à un glossaire visuel plus contemporain, et son expression atteint une maîtrise qui pousse à l’admiration. L’artiste acquiert bientôt une reconnaissance sur la scène européenne. Le peintre développe sa sculpture et sculpte de ses visions sa peinture, illustrant des tableaux de paysages suprathéâtraux, tandis que sa gestuelle graphique rend grâce à Albert Dürer et Odilon Redon. Nature et architecture engendrent des schémas narratifs crucifères et apocalyptiques — mi-fantastiques, mi-naturalistes — à lumière argentique, lunaire ou indirecte. Son propos s’empare de langues qu’il pratique, et d’un vocabulaire formel emprunté à l’art pictural du phylactère historique, de Piero della Franscesca à Raphaël, avec cartouches/ bulles/ slogans en français/ anglais/ allemand. Ses fresques — piquées d’onomatopées dessinées — sont peuplées de flashes colorés excitant le champ visuel. L’œuvre enlumine une jungle humaine toujours hantée par ses phobies shakespeariennes, les tragédies funestes et les désastres de son histoire, se fixant dans une sorte de futur antérieur où une humanité prédatrice ne saurait que se répéter. Une dizaine d’années plus tard, Damien Deroubaix s’installe à Meisenthal, en Moselle. Son art pictural atteint une maîtrise des couleurs et des lumières comparable au vitrail : peintures et gravures ornées de noir goudron et d’un jeu graphique riche et profond, de surcroît en constante invention. Rouge vif, bleu-turquoise, vert-doré, sépia-crème, orange brûlant et jaune brûlé illuminent un monde surnaturel, une sorte de style roman onirique, noir et coloré, et dont la force plastique l’emporte même sur le sujet. Chacun de nous — pour le philosophe René Girard — se croit seul en enfer, et c’est cela l’enfer. A Thiers, Damien Deroubaix s’empare de ce seul thème, préparant une grande fresque en œuvre de musée. C’est par la traversée d’une haute cloison de bois encrée d’un noir profond, percée de sept portes, que le visiteur accédera à une grande fresque picturale d’environ quatre mètres cinquante de haut par six mètres dix de long, surplombée de la grande poulie de l’ancienne usine. Magistral, ce grand tableau couvrira le mur entier de la grande cimaise du rez-de-chaussée, Jérôme Bosch œuvrant avec des éléments de notre temps. par Frédéric Bouglé, commissaire de l’exposition Exposition réalisée avec le soutien de Marin Beaux-arts à Arcueil.


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